Cultiver durablement et proprement les sols de la planète, en SCV

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Définition et bref historique du semis direct : du geste ancestral à son
essor dans l’agriculture moderne, d’abord aux États Unis, puis au Brésil.
Le semis direct est un système de semis, dans lequel la semence est placée
directement dans le sol qui n’est jamais travaillé. Seul un petit sillon ou un trou est
ouvert, de profondeur et largeur suffisantes, avec des outils spécialement conçus à cet
effet, pour garantir une bonne couverture et un bon contact de la semence avec le sol.
Aucune autre préparation du sol n’est effectuée1
. L’élimination des mauvaises herbes,
avant et après le semis pendant la culture, est faite avec des herbicides, les moins
polluants possibles pour le sol.
Le principe du semis direct n’est pas nouveau en soi, il est utilisé depuis les
temps anciens par les cultures indigènes : les agriculteurs de l’Égypte ancienne, et les
Incas dans les Andes d’Amérique du Sud, utilisaient un bâton pour faire un simple trou
dans le sol, dans lequel la graine était placée à la main et recouverte au pied.
Aujourd’hui encore, des centaines de milliers d’hectares sont plantés traditionnellement,
en semis direct, par les petites agriculteurs indigènes2
de la zone tropicale humide qui
pratiquent l’agriculture itinérante de subsistance sur brûlis, dans les forêts d’Amérique
Latine, d’Afrique et d’Asie.
Dans l’agriculture moderne motorisée des pays du Nord, c’est aux États Unis
que les premières tentatives de semis direct sans aucune préparation du sol ont vu le
jour, dès la fin des années 19403
, en réaction à une période catastrophique pour
l’environnement, où les grandes plaines américaines subissaient une érosion éolienne
catastrophique : le fameux « Dust Bowl ». Mais c’est surtout à partir du début des années
1960, avec la diffusion de l’herbicide total Paraquat4
, que le semis direct a réellement
pris son essor, grâce en particulier, aux travaux de Harry et Lawrence Young sur leur
ferme à Hemdon1
, dans le Kentucky, qui ont rapidement fait des milliers d’émules sur le
territoire américain.
Simultanément à ces premières démonstrations convaincantes, le fabricant
de machines agricoles, Allis Chalmers, créait en 1966, le premier semoir de semis
direct. Comme le semis direct est possible immédiatement après la récolte, le soja de
semis direct se développait sur les résidus de la culture de blé1
. Dans le même temps,
Shirley Phillips5
, pionnier de la recherche sur le semis direct à Lexington, Université du
Kentucky, se consacrait corps et âme à la diffusion de ces nouvelles techniques, non
seulement aux USA, mais aussi en Amérique Latine. La surface en semis direct aux
USA, qui occupait 2,2 millions d’hectares en 1973/74, dépasse aujourd’hui les 20
millions d’ha, soit environ 16% de la surface totale cultivée aux États Unis.
Au Brésil, les premières tentatives sur le semis direct ont commencé en
1969 dans l’État du Rio Grande do Sul6
. Mais c’est surtout à l’État du Paranà7
que
revient le mérite d’avoir développé très vite, ces techniques à grande échelle, grâce

1
Phillips and Young, 1973.
2
Le système de culture du haricot « Tapadd », en Amérique Centrale et Mexique est également une
technique de semis direct, depuis des siècles.
3
En Caroline du Nord, avec l’avènement de la molécule 2-4 D, dans la fin des années 1940. 4
Développé par ICI, au Royaume Uni, en 1955.
5
Shirley Phillips est unanimement considéré comme le « père » du semis direct.
6
Faculté d’agronomie de Néo Me Toque.
7
Initiative de l’IPEAME (Institut de Recherches Agropastorales du Sud, basé à Londrina), en coopération
avec GTZ (Recherche agronomique allemande).
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d’abord à l’initiative pugnace de Herbert Bartz, agriculteur d’origine allemande, qui,
après un voyage d’informations sur le semis direct en Angleterre et aux États Unis,
importait le premier semoir d’Allis Chalmers et plantait sa première culture de soja de
semis direct en 1972 à Rolândia.
Ensuite, les recherches intensives conduites par l’IAPAR8
, entre 1973 et
1981, avec la coopération d’ICI et de la GTZ9
ont permis de mettre au point, les
rotations les plus appropriées au semis direct, aux plans agronomique et économique,
dans les conditions subtropicales de l’État du Paranà. Dans le même temps, les travaux
pionniers à grande échelle de Frank Dijkstra et Manoel Henrique Pereira10, agriculteurs
dans la région des « campos garais » de Ponta Grossa, ont entraînés une très large et très
rapide diffusion du semis direct dans le Paranà, qui occupait environ 200 000 hectares
en 1986, les états du Sud du Brésil11 et en Amérique Latine.
Plus récemment, à partir du début des années 1990, la nouvelle et la plus
importante expansion du semis direct s’est faite dans la région des cerrados (savanes) du
centre et de l’Ouest du Brésil, grâce, à la fois, aux travaux de recherches de L. Séguy et
S. Bouzinac du CIRAD sur les fronts pionniers du sud de l’Amazonie, à ceux de John
Landers12 avec les agriculteurs partenaires dans le sud ouest de l’État de Goiàs et au
remarquable travail de diffusion de l’APDC (Association du Semis Direct des
Cerrados). Plus de 3 millions d’hectares sont passés en semis direct, en moins de 10 ans
dans cette région.
Les cultures les plus importantes conduites en semis direct au Brésil sont
maintenant le soja, le maïs, le blé, l’orge, le sorgho, le tournesol, le riz irrigué, et plus
récemment le coton, le riz pluvial à haut potentiel13, et les pâturages temporaires.
Entre 1970 et 1998, plus de 10 millions d’hectares ont été conquis par les
techniques de semis direct au Brésil. En Amérique Latine, on estime que les surfaces
occupées par ces techniques conservatrices, en moins de 20 ans, dépassent les 16
millions d’hectares. L’ampleur et la vitesse de conquête du semis direct dans cette région
du monde tropical et subtropical constitue certainement, la révolution agricole la plus
importante des 50 dernières années.
C’est a cette conquête la plus récente et la plus spectaculaire, que l’essentiel
de cet article sera consacré, sur les frontières agricoles des savanes (cerrados) humides
du sud du bassin amazonien, dans des conditions climatiques extrêmes où sont
rapidement extériorisées les intérêts et les limites des techniques.

8
Institut de recherche de l’État du Parané.
9
R. Derpsh, et al., 1991.
10Président de la Fédération du Semis Direct au Brésil – FEBRAPDP , entre 1992 et 1998. 11 Travaux de la Fondation ABC (Hans Peeten, Josué Nelson Pave). 12 Secrétaire éxécutif de l’APDC (Association du serras direct des cerrados). 13 Travaux du CIRAD (L. Séguy, S. Bouzinac) et ses partenaires (Groupe MAEDA et AGRONORTE).
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Un vaste réservoir de terres mécanisables pour aider à nourrir
l’humanité du 21ème siècle : les cerrados d’Amérique Latine, dernier rempart de
terres vierges exploitables, avant la forêt.
En Amérique Latine, les cerrados de sols acides occupent près de la moitié
des terres cultivables, soit environ 243 millions d’hectares, concentrés pour la plupart au
Brésil, puis en Colombie et au Venezuela, soit le double de la surface des terres
cultivées aux États Unis. Environ 23 % du territoire brésilien est occupé par
l’écosystème du « cerrado » avec 200 millions d’hectares, dont au moins 50 millions sont
potentiellement utilisables pour une agriculture mécanisée intensive ; une bonne part de
ce vaste réservoir de terres arables se situe dans la zone tropicale humide, à l’Ouest et au
Nord.
Tous les spécialistes du développement agricole brésilien sont d’accord pour
affirmer qu’une mise en valeur pleine, rationnelle et intensive de ce réservoir de terres,
pourrait fournir sans irrigation complémentaire, plus de 150 millions de tonnes de
grains, 9 millions de tonnes de viande et plus de 300 millions de m3
de bois, tout en
conservant 20 % de cette surface pour la préservation de l’environnement14. En
considérant la possibilité d’utiliser l’irrigation sur 10 millions d’ha, la production finale
pourrait atteindre 190 millions de tonnes14, soit plus de 40 % de la production de grains
des États Unis.
Les savanes (cerrados) représentent donc, un vaste réservoir encore peu
exploité, disponible pour alimenter l’humanité du 21ème siècle, et en particulier, les
savanes humides caractérisées par un fort potentiel climatique qui peut être mis en
valeur aussi bien pour les cultures pérennes, alimentaires et industrielles annuelles que
pour l’élevage, si l’homme sait exploiter ce milieu durablement, sans le dégrader (cf.
carte en annexe) .
Le transfert Nord-Sud des technologies de travail du sol : un constat
d’échec lourd de conséquences pour la ressource sol et l’environnement en général.
Au Brésil, la mise en culture des savanes de la zone tropicale humide
(cerrados) a commencé vers la fin des années 1970, avec l’arrivée des agriculteurs des
états du Sud, qui ont colonisé et conquis rapidement les états du Centre-Ouest, puis de
l’Ouest plus humide ; l’agriculture qui s’y est développée, est mécanisée et a été
construite, après ouverture des terres avec du riz pluvial et des pâturages extensifs
(Brachiatias), sur la monoculture industrielle de soja pour gérer des excédents
exportables. Ce mode d’exploitation pratiqué exclusivement aux engins à disques s’est
révélé rapidement désastreux pour les sols sous une très forte pluviométrie de 2 000 à
3000 mm répartie sur 7 mois.
Les sols, qui correspondent aux sols ferrallitiques fortement désaturés15 de
la classification française, sont très acides, très pauvres en éléments nutritifs (carencés
en Phosphore, Potasse, Calcium, Magnésium et Zinc), et très rapidement dépourvus de
matière organique, lorsque la couverture végétale est enlevée. De plus, l’exploitation
inadéquate et exclusive des terres mises en culture par des engins à disques (offset
lourds et pulvériseurs légers) a très rapidement, sous ces conditions climatiques
excessives, détruit l’état structural des sols par pulvérisation excessive, entraîné une

14 Godebert et al., 1980 ; Godebert, 1989.
15 Oxysols de la soil taxonomy américaine.
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forte compaction en surface, qui réduit la porosité, diminue la capacité d’infiltration de
l’eau et concentre les semences des mauvaises herbes dans les 10-15 premiers
centimètres, les plaçant ainsi en conditions idéales de germination et de compétition
précoce pour les cultures.
Au total, ce mode destructeur de travail du sol venu des pays du Nord et
allié à la pratique continue de la monoculture de soja a provoqué des dégâts
considérables sur les sols : érosion catastrophique des unités de paysage, qui a entraîné
une baisse insidieuse d’abord, puis rapide et continue ensuite de la productivité du sol
malgré l’emploi accrû d’intrants chimiques (engrais minéraux, pesticides). En quelques
années, des faillites régionales spectaculaires ont eu lieu, laissant des paysages vides et
désolés. Ces faillites, pour l’agriculture et l’environnement ont été d’autant plus sévères
que ces fronts pionniers de l’Ouest brésilien sont très isolés économiquement. Ils sont
très éloignés des ports d’exportation et des grands centres de transformation et de
consommation, ce qui pénalise fortement les exploitations agricoles, car elles dépendent
du réseau routier, précaire et mal entretenu qui élève le coût du transport, donc les coûts
de production et réduit d’autant les prix payés aux producteurs. Ces prix payés peuvent
être ainsi, inférieurs de 20 à 50 % à ceux pratiqués dans les états du Paranâ et de Sâo
Paulo (Sud Brésil).
L’intervention de la recherche agronomique : une stratégie au service
des agriculteurs, chez eux, dans leurs milieux.
Le CIRAD16 est intervenu sur les fronts pionniers du centre nord du Mato
Grosso, où plus d’un million d’hectares sont aujourd’hui cultivés, pour construire les
bases de la fixation d’une agriculture durable d’abord en zone de savanes entre 1983 et
1994, puis ensuite en zone de forêt pour précéder et préparer l’arrivée éventuelle des
fronts pionniers mécanisés dans cette écologie qu’il faut à tout prix protéger. Dans un
contexte économique très sensible, chaotique, un milieu physique fragile soumis à des
contraintes climatiques excessives, la gestion durable de la ressource sol, au moindre
coût, a été prise en compte comme un objectif majeur pour la recherche, indissociable
de celui de gestion du risque économique. Partant de la situation généralisée de
monoculture de soja, désastreuse pour le milieu physique, cette gestion du risque
économique s’est traduite par la mise au point progressive de systèmes de cultures
diversifiés, agronomiquement justifiés et reproductibles, techniquement praticables et
préservateurs du capital-sol, qui tirent le mieux parti du fort potentiel hydrique
disponible (création de systèmes à deux cultures annuelles), et qui soient
économiquement lucratifs et les plus stables possible. Parallèlement à la gestion durable
du patrimoine sol, la recherche de la qualité des produits en rotations a été considérée
également comme prioritaire pour leur donner un maximum de valeur ajoutée.
La recherche œuvrant avec, pour et chez les agriculteurs, dans leurs milieux,
a rapidement mis en évidence l’échec du transfert Nord-Sud des techniques de
préparation mécanisée des terres dans ce type de milieu : malgré une amélioration très
significative, mais de courte durée, des performances technico-agronomiques des

16 Équipe L. Séguy, S. Bouzinac et ses partenaires brésiliens de la recherche et du développement : en
coopération avec les agriculteurs (dont le pionnier, Mr. Munefume Matsubara), le CNPAF, Centre de
Recherche Fédéral sur le riz et le haricot de l’EMBRAPA et l’EMPAER-MT, Centre de Recherche de
l’état du Mato Grosso, puis, en partenariat avec RHODIA (filiale BrésiI de Rhône Poulenc) et la
coopérative COOPERLUCAS de Lucas do Rio Verde, de 1993 à 1995, et plus récemment, avec
l’entreprise AGRONORTE, implantée à Sorriso et Sinop, entre 1995 et 1999.
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systèmes de culture par rapport à la situation initiale, toutes les techniques de travail
mécanisé associées aux rotations de culture (labour, chisel, outils à disques), ont montré
très vite leur limite pour la gestion durable et au moindre coût de la ressource sol,
notamment par une maîtrise insuffisante de l’érosion et surtout par la perte de la moitié
du stock de matière organique après seulement 5 ans d’utilisation continue de ces modes
de gestion mécanisée, interdisant toute agriculture durable sans très forte augmentation
d’intrants coûteux (fig. 1).
II fallait donc se rendre à l’évidence : les sols tropicaux doivent être cultivés
autrement.
La recherche a alors imaginé de nouveaux concepts et pratiques agricoles
qui soient réellement adaptés aux contraintes pédoclimatiques de la zone tropicale
humide. Ces nouveaux concepts de gestion et leur mise en pratique sont basés sur le
fonctionnement de la forêt ombrophile, adapté à l’activité agricole (fig. 2 et 3). Les
caractéristiques de l’écosystème forestier, en particulier sa stabilité, révèlent un
fonctionnement complexe et remarquablement efficace, capable d’assurer à la fois, une
productivité primaire élevée et le recyclage du faible stock d’éléments minéraux nutritifs
présents, sans perte ni exportation. La plus grande partie du prélèvement des éléments
nutritifs par les racines des plantes, les mycorhizes et la biomasse microbienne se situe
dans les 5 à 10 premiers centimètres du sol.
Ce sont à ces mécanismes de fonctionnement qui confèrent à la forêt sa
remarquable stabilité, que les recherches du CIRAD ont été consacrées pour les
reproduire et les adapter à l’échelle des systèmes de culture qui devront être pratiqués
sur un sol toujours recouvert d’une importante couverture végétale morte ou vivante et
dans lequel les pertes en éléments nutritifs devront être réduites au minimum, nulles si
possible.
La recherche a construit 3 grands types de systèmes de culture à partir de ce
concept de base, qui s’inspire du fonctionnement de l’écosystème forestier :
1 – Les systèmes de production continue de grains, bâtis sur des
successions à 2 cultures annuelles pratiquées en semis direct : Une culture
commerciale suivie d’une culture qui soit capable de produire une forte biomasse aussi
bien au dessus du sol que dans le sol, et qui ne reçoit pas d’intrants ou un minimum. Si
en conditions subtropicales et tempérées qui comportent une saison froide, le semis
direct des cultures peut s’effectuer dans les seuls résidus de récolte qui se décomposent
lentement à la surface du sol (graminées surtout) et assurent une bonne couverture du
sol. il en va tout autrement dans les conditions tropicales chaudes et humides de basse
altitude où le taux de minéralisation (décomposition) de la matière organique est
beaucoup plus élevé (taux annuel de 5 % environ, contre 2 % en climat tempéré).
Les seuls résidus de récolte sont insuffisants pour assurer une couverture
permanente du sol, donc une protection totale contre l’érosion, et l’entraînement des
éléments nutritifs en profondeur est très important sous plus de 2 000 – 3 000 mm de
pluviométrie annuelle, en particulier les nitrates, le calcium, la potasse ; il fallait donc
dans ces conditions, à la fois, renforcer la couverture du sol pour qu’elle soit
permanente, par l’implantation d’une biomasse additionnelle et que cette biomasse ait
grâce à ses racines, une grande capacité de recyclage pour les éléments nutritifs
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entraînés en profondeur, qu’elle exerce un fort pouvoir restructurant du sol pour pouvoir
substituer un travail biologique du sol à celui du travail mécanique (fig. 2 et 3).
Cette biomasse est produite par une culture de mil ou sorgho guinea capable
de fort développement végétatif au dessus et au dessous de la surface du sol, en
conditions climatiques marginales dû début et/ou de la fin de saison de pluies ; la
biomasse produite est donc placée avant et/ou après la culture commerciale et son coût
est inférieur à celui de la préparation mécanisée des terres (moins de 50 US$/ha).
Véritable « pompe biologique », cette biomasse qui précède et/ou succède à la culture
commerciale, a pour fonctions agronomiques essentielles et complémentaires de :
protéger complètement le sol contre l’érosion, séquestrer le carbone dans le profil
cultural, alimenter la culture commerciale par voie biologique en se décomposant
(minéralisation), minimiser, voire supprimer les pertes en éléments nutritifs dans le
système sol-plante, grâce à un puissant système racinaire recycleur, maintenir une biostructure stable dans le profil cultural, amortir les variations d’humidité et de
température à la surface du sol, pour permettre à la faune de se développer et de se
maintenir dans l’horizon de surface, assurer un meilleur contrôle au moindre coût des
adventices (actions conjuguées de l’obscurité et des propriétés allélopathiques 17 des
couvertures) et du complexe parasitaire des cultures, en général.
Le sol n’est plus travaillé, les résidus de récolte et la phytomasse additionnée
par les « pompe biologiques » assurent une couverture permanente du sol aussi bien en
saison des pluies qu’en saison sèche. Un horizon nourricier à très forte activité
biologique se crée dans les 5 premiers cm du sol, à l’image de celui que l’on trouve sous
la forêt.
La biomasse des pompes biologiques type mil, sorgho, Eleusine c., peut être
renforcée. si nécessaire, en succession de la culture commerciale en fin de cycle des
pluies, en implantant, en semis direct un mélange de mil ou de sorgho avec des espèces
fourragères du genre Brachiaria qui peuvent se maintenir vertes durant toute la saison
sèche et donc être pâturées (ferme de production de grains + élevage). L’activité
racinaire du Brachiaria se poursuit en saison sèche, améliorant les propriétés physiques
du sol, parachevant le travail de recyclage plus limité dans le temps du mil ou sorgho
associés (fig. 8).
La biomasse verte à aptitude fourragère constitue également une assurance
contre les incendies accidentels de saison sèche.
Au premières pluies de la saison suivante, le mélange mil ou sorgho plus
Brachiaria repart et renforce encore la couverture au sol avant le semis direct de la
culture commerciale. Juste avant le semis direct de cette dernière, un herbicide total du
type glyphosate est appliqué sur la biomasse pour la dessécher ; une semaine à 10 jours
après l’application de l’herbicide, le semis direct de la culture commerciale peut
commencer.
Les herbicides totaux de type Glyphosate18, ne sont pas polluants pour le sol
dans ce système appliqués sur une très forte phytomasse verte, ils n’atteignent pas le sol
ou en quantité dérisoire qui est immédiatement inactivée au contact du sol (fortement

17 En se décomposant, la couverture morte du sol libère des substances qui inhibent la germination des
mauvaises herbes.
18 Le sulfosate, le glufosinate sont également des matières actives utilisées pour le même objectif.
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adsorbée parles colloïdes, donc non lixiviable). Sur la culture commerciale en
développement, les herbicides utilisés sont sélectifs de la culture. Comme dans le cas de
l’utilisation des herbicides totaux en pré-semis, les herbicides sélectifs dans la culture
n’atteignent pas ou très peu le sol protégé sous la couverture. De plus, les nouvelles
molécules utilisées sont de plus en plus performantes à très faible dose19 et sont de
moins en moins polluantes surtout dans de tels systèmes de culture sur couverture
permanente où le sol est totalement protégé et où l’activité biologique intense est une
garantie supplémentaire de dégradation rapide des molécules xénobiotiques.
Dans ce système de semis direct construit sur 2 cultures annuelles en
succession, les cultures commerciales peuvent être : le soja, le maïs, le riz pluvial à haut
potentiel, le coton ; les cultures pompes biologiques qui précèdent la culture
commerciale et qui se substituent au travail mécanique du sol sont : le mil, le sorgho,
l’Eleusine coracana. Les pompes biologiques qui succéderont à la culture commerciale :
du mil, du sorgho, associés ou non à des espèces fourragères, du tournesol. Les pompes
biologiques de succession associant mil ou sorgho au Brachiaria produisent entre 7 et
13 tonnes/ha de matière sèche au dessus du sol à l’entrée de la saison sèche, et plus de 4
t/ha de racines dans les 50 premiers cm du profil cultural (fig. 4, 5 et 6).
Ce sont ces systèmes qui se sont diffusés très rapidement entre 1992 et 1998
qui dominent aujourd’hui, sur les 3 millions d’hectares de semis direct que compte le
centre ouest brésilien.
2 – Les systèmes de semis direct intégrant les systèmes précédents de
production de grains, pratiqués en rotation avec des pâturages, tous les 2, 3, 4 ou 5
ans pour la production de viande ou de lait.
A la différence des systèmes précédents, dans lesquels l’espèce fourragère
(Brachiaria r.) n’est présente que pendant quelques mois en mélange avec le mil ou le
sorgho pour renforcer la biomasse de surface, dans les systèmes mixtes « production de
grains-élevage » les espèces fourragères sont implantées pour 2, 3, 4 à 5 ans, en rotation
avec les systèmes de production de grains (fig. 8 ).
L’implantation du pâturage se fait après récolte de la culture commerciale,
(en général du soja semé aux premières pluies) en semis direct dans les résidus de
récolte. Le pâturage à base de Brachiaria brizantha ou de Panicum maximum, implanté
par cette technique sans engrais, dispose de réserves en eau suffisantes pour produire
une très forte biomasse fourragère à l’entrée de la saison sèche. II peut supporter 1,7 à
2,2 têtes/ha de gros bétail dont le gain de poids sur les 100 à 120 jours de la saison sèche
est d’environ 450g/jour/animal.
Inversement, pour repasser du pâturage à la culture, on utilise les herbicides
totaux18 à forte dose qui détruisent le pâturage (parties aériennes et racinaires), et le
semis direct de la culture commerciale peut commencer entre 15 et 25 jours après le
dessèchement à l’herbicide, le temps que la biomasse se réduise suffisamment en surface
et permette ainsi un semis direct dans de bonnes conditions opérationnelles (rapidité
d’exécution. placement précis de ta semence).

19 Les sulfonylurées par exemple s’utilisent à des doses de quelques grammes par hectare présentent une
très faible toxicité pour les mammifères, les oiseaux et les poissons.
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Ces rotations production de grains-élévage, pratiquées en semis direct
continu sont actuellement en voie de diffusion rapide.
Enfin, une variante à ces systèmes, a été mise au point pour les éleveurs
stricts qui ne souhaitent pas produire de grains pendant 2 ans ou plus. Dans ce cas, il
faut rénover le pâturage qui se dégrade avec le temps : le pâturage dégradé est détruit à
l’herbicide total (glyphosate) et du riz pluvial à cycle court est installé en semis direct
sur le pâturage désséché et détruit, dès le début de saison des pluies. A la récolte du riz,
le nouveau pâturage (genres Brachiaria, Panicum) est implanté en semis direct dans les
pailles de riz. Dans ce système, aucun herbicide n’est utilisé dans la culture de riz et la
fumure utilisée sur cette culture est supérieure de 30 % à ses besoins. Le reliquat
d’engrais est utilisé par le nouveau pâturage semé directement en succession du riz.
Avec un riz de belle qualité de grains (variétés CIRAD), les marges nettes couvrent le
coût d’installation du nouveau pâturage, et offrent un reliquat monétaire avec l’élevage
en saison sèche, comp

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