Allélopathie

La Chicorée

Analysons l’effet allélopathique de la chicorée (Cichorium intybus) dans le contexte de l’agriculture de conservation des sols (ACS). Bien que vous ayez déjà exploré ses propriétés décompactantes et mellifères, son potentiel allélopathique mérite une attention spécifique. Voici ce qu’on peut en dire :


Effet allélopathique de la chicorée

  • Mécanisme :
    La chicorée produit des composés chimiques, notamment des lactones sesquiterpéniques (comme la lactucine et la lactucopicrine) et des acides phénoliques, qu’elle libère par ses racines, ses feuilles et, dans une moindre mesure, lors de la décomposition de ses résidus. Ces substances peuvent influencer la croissance d’autres plantes ou organismes à proximité.
  • Cibles principales :
    • Adventices comme le chiendent (Elymus repens), le mouron des champs (Stellaria media) ou certaines graminées annuelles.
    • Effet plus faible sur les adventices vivaces établies ou les cultures à enracinement profond.
  • Mode d’action :
    • Les allélochimiques de la chicorée inhibent la germination ou ralentissent la croissance des plantules sensibles en perturbant leur métabolisme (ex. : respiration cellulaire, division cellulaire).
    • L’effet est souvent localisé autour des racines ou sous la canopée de la plante vivante.

Caractéristiques et intensité de l’allélopathie

  • Période d’action :
    • L’effet est actif pendant la croissance de la chicorée (surtout en été et automne) et peut persister légèrement après sa destruction via les résidus, bien que les composés se dégradent assez rapidement dans le sol.
    • En tant que plante bisannuelle ou pérenne, son influence allélopathique peut s’étendre sur plusieurs saisons si elle n’est pas fauchée ou roulée.
  • Intensité :
    • Comparée à des plantes fortement allélopathiques comme le seigle ou la moutarde, l’effet de la chicorée est faible à modéré. Il est plus subtil et dépend de la densité de la plante, du type de sol et des espèces voisines.
    • Elle agit davantage par compétition physique (couverture dense, racines profondes) que par une allélopathie dominante.

Intérêt en ACS

  • Suppression des adventices :
    • La chicorée peut réduire la germination de certaines petites adventices annuelles, mais elle est moins efficace que des couverts comme le sarrasin ou le seigle pour un contrôle marqué. Son effet est complémentaire à sa capacité à occuper l’espace.
    • Par exemple, des études montrent une diminution modeste (20-40 %) de la densité d’adventices dans les parcelles où elle est implantée, surtout en association avec d’autres espèces.
  • Impact sur les cultures suivantes :
    • Les résidus de chicorée n’ont généralement pas d’effet négatif significatif sur les cultures suivantes (ex. : céréales, légumineuses), car ses allélochimiques se dégradent vite et son allélopathie est peu persistante.
    • Aucun risque majeur d’inhibition, contrairement à des plantes comme le seigle, qui peuvent retarder un semis immédiat.
  • Effet sur le sol :
    • Pas d’action biofumigante notable (comme la moutarde), mais ses composés phénoliques peuvent avoir un léger effet antimicrobien sur certains pathogènes du sol, bien que cela reste peu documenté.

Comparaison avec d’autres plantes

  • Vs Sarrasin : Le sarrasin a une allélopathie plus forte et rapide (composés phénoliques abondants), idéale pour les intercultures courtes. La chicorée est plus durable, mais moins agressive chimiquement.
  • Vs Moutarde : La moutarde excelle avec ses glucosinolates biofumigants, surpassant largement la chicorée en termes d’effet suppressif sur adventices et pathogènes.
  • Vs Luzerne : La luzerne a une allélopathie similaire (faible, via saponines), mais ajoute l’avantage de fixer l’azote, ce que la chicorée ne fait pas.

Lien avec vos critères précédents

  • Décompaction : Racine pivotante profonde (1-2 m), très efficace pour briser les sols compactés. Son allélopathie renforce légèrement son rôle en limitant les adventices qui pourraient profiter des fissures créées.
  • Mellifère : Fleurs nectarifères attractives pour les pollinisateurs, un atout majeur qui n’est pas affecté par son allélopathie (les composés ne nuisent pas aux insectes).
  • Biodiversité : L’effet allélopathique modéré de la chicorée ne perturbe pas significativement la biodiversité végétale ou microbienne, contrairement à des plantes plus agressives. Elle soutient plutôt un équilibre grâce à son rôle de refuge pour les auxiliaires.

Mon avis sur la chicorée en ACS

L’allélopathie de la chicorée est un bonus modeste, mais pas son point fort principal. Elle brille davantage par sa capacité à décompacter les sols, attirer les pollinisateurs et offrir une couverture durable. Si votre objectif est de contrôler les adventices via l’allélopathie, des plantes comme le sarrasin ou la moutarde seraient plus efficaces. Cependant, dans un mélange, la chicorée peut jouer un rôle complémentaire :

  • Exemple de mélange : Chicorée + Sarrasin (décompaction + allélopathie rapide) ou Chicorée + Trèfle incarnat (mellifère + azote + légère suppression des adventices).

En résumé, son effet allélopathique est réel mais discret – un outil secondaire dans sa palette.

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